Permis à poings : un monstre juridique
Appliquer stupidement et aveuglément une loi automatique conduit à des conséquences que le droit ignore lui-même. Démonstration rapide avec le permis à points.
J’achète une voiture à mon nom, Monsieur Dugland, et au nom de ma femme, Madame Dugland, comme la loi nous y autorise désormais depuis quelques années. Sur la carte grise figure donc Monsieur Dugland (en premier) ET Madame Dugland (en second).
Mon épouse utilsant la voiture, Madame Dugland commet quelques menus "excès de vitesse" du style 91km/h retenus au lieu de 90km/h (ceux qui conduisent me comprendront).
Je paye donc l’amende avec retrait de point par la procédure arbitrairement expéditive mais prévue dans la loi et donc votée par des députés godillots.
Au bout d’un moment, je n’ai plus de points et je suis suspendu de permis alors même que je n’ai jamais franchi aucune limite de vitesse ni quoi que ce soit. Car la loi est claire : si vous ne précisez pas le conducteur, si vous suivez la procédure simplifiée, c’est le premier nom figurant sur la carte grise qui "trinque" les points en moins.
Aux délateurs qui me conseilleraient de "dénoncer" Madame Dugland mon épouse, je ne répondrai que par le mépris du silence.
Nous arrivons donc à une situation parfaitement inconnue du droit : je purge la peine à la place du fautif. Une aberration. Dans toute la conception du droit (français et pas seulement) la peine est personnalisée, individualisée. En permis à points, pas besoin : vous pouvez, en toute légalité, purger une peine (retrait du permis, obligation de stage, condamnation etc...) à la place d’une autre personne.
Développons un peu : imaginons que les peines pour les délits de Monsieur Dupont puissent être purgées par Monsieur Durand... que les crimes puissent être punis par procuration... que des agences louent des "purgeurs" professionnels que l’on rétribuerait pour faire de la prison à sa place... imaginons la France d’après.
Vous pensiez que seul le permis de conduire était concerné par une telle aberration ? Plus du tout. Grâce à la formidable Loi Hadopi, vous pourrez purger une peine de suspension d’abonnement (plus des poursuites pénales) même si vous n’avez rien fait, par procuration à la place du "coupable" ou du "présumé innocent". Juste parce que votre nom figure sur le contrat d’abonnement.
http://www.agoravox.fr/actualites/societe/article/permis-a-poings-un-monstre-62924
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