lundi 19 octobre 2009

STATIONNEMENT GENANT ET REGULARITE DU PROCES VERBAL DE CONSTATATION D'INFRACTION Jouissant de nombreux pouvoirs de police en matière de circulation routière (CGCT, art. L. 2213-1 s. ; C. route, art. L. 411-1), un maire peut réserver, dans sa commune, par arrêté motivé, certains emplacements à l’arrêt ou au stationnement des véhicules de livraison (CGCT, art. L. 2213-3 2°). A ce sujet convient-il d’observer que récemment encore le code général des collectivités territoriales ne faisait nul état de cette faculté. Cependant, le Conseil d’Etat considérait déjà, de longue date qui plus est, que les dispositions de l’article 98 du code administratif des communes permettant l’institution de stationnements réservés sur les voies publiques pour les véhicules affectés à un service public et pour les besoins exclusifs de ce dernier, n’avait ni pour objet ni pour effet de priver l’autorité de police du pouvoir de concéder des lieux de stationnements aux utilisateurs de véhicules servant à l’approvisionnement des halles et marchés (CE 21 juill. 1972, Ville de Paris c/ Cormier, Rec. CE, 561. V. aussi, CE 20 nov. 1985, avis de la section de l’intérieur n° 338.704). De même, la Cour de cassation avait pu juger, ultérieurement et de manière plus générale, que des zones de stationnement pouvaient être réservées aux « opérations de déchargement et notamment de livraisons de marchandises » (Cass. crim. 27 nov. 1991, Bull. crim., n° 442, Dr. pénal 1992, comm. 97, obs. J-H Robert ; 27 janv. 1993, D. 1994, somm. 261, obs. P. Couvrat et M. Massé ; 1er févr. 1995, pourvoi n° 93-85-168). Bien que gênant, cet oubli était ainsi sans incidence pratique. Cette omission a tout de même été corrigée par l’article 107 de la loi n° 2000-1208 du 13 décembre 2000. Prévue à l’article R. 417-10, 3° du Code de la route, le non respect d’un tel arrêté municipal constitue une contravention de deuxième classe (C. route, art. R. 417-10, IV). L’espèce commentée nous en offre d’ailleurs une première illustration. Sanctionné pour stationnement gênant d’un véhicule sur un emplacement réservé aux livraisons (C. route, art. R. 417-10, III, 4°), Robert X. est toutefois relaxé, le 23 février 2005, par la juridiction de proximité de Paris, le procès verbal ne portant pas la mention « sans manutention ». Saisie de ce contentieux, la Cour de cassation censure cette décision, reprochant au premier juge d’avoir statué en ce sens sans que, pour autant, la mention susvisée ne soit « exigée pour la régularité du procès verbal » et que « le prévenu [ait] soutenu avoir stationné son véhicule pour des opérations de chargement ou de déchargement ».Au regard de la lettre de l’article R. 417-10 du Code de la route, convient-il de remarquer, avec d’autres (P. Couvrat, M. Massé, L. Desessard et E. Aubin, Code de la route Dalloz, 2005, commentaire sous art. R. 417-10, p. 469), que, différemment du « stationnement », « l’arrêt » sur ces zones réservées n’est jamais punissable. Robert X. ayant été sanctionné pour « stationnement » irrégulier, l’applicabilité potentielle du droit pénal ne faisait en l’espèce l’ombre d’une difficulté. La régularité du procès verbal de constatation d’infraction était en revanche pointée du doigt par le juge parisien, la mention « sans manutention » n’y figurant point. Cette motivation ne convainc pas la Cour de cassation. Sa décision est d’ailleurs fort logique. Rappelons tout d’abord que certaines mentions doivent être présentes dans un procès verbal. Il en est notamment ainsi du nom, du prénom et de la qualité de l’agent verbalisateur ayant instrumenté (V. pour plus de détails, J. Montreuil, Rép. Pénal Dalloz, V° Procès-verbal, n° 101 s.). Cet acte doit en outre mentionner les faits constitutifs de l’infraction (C. proc. pén., art 429). S’il ne contient pas leur constatation directe, il suffit que les circonstances énoncées en son sein soient de nature à établir l’existence de l’infraction (Cass. crim. 3 mai 1982, Bull. crim., n° 109). Les règles sont donc très souples, le non respect de certaines d’entre elles ne permettant pas, au demeurant, de prononcer la nullité du procès verbal (V. not. J. Montreuil, op. cit., n° 101). Nulle disposition n’impose par contre, à titre général ou spécial, la présence des termes « sans manutention » dans le procès verbal de constatation de stationnement gênant. Sa régularité ne pouvait donc être efficacement remise en cause.Etabli en matière contraventionnelle, le procès verbal faisait ainsi nécessairement foi jusqu’à preuve contraire (C. proc. pén., art. 537). L’on peut en outre remarquer que la chambre criminelle de la Cour de cassation précise que « le prévenu n’a pas soutenu [devant le juge de proximité] avoir stationné son véhicule pour des opérations de chargement ou de déchargement ». Aussi, doit-on nécessairement en conclure que les faits consignés dans le procès verbal n’étaient, à l’évidence, pas contestés devant le premier juge. Le cas échéant, c’est uniquement à l’aide d’écrits ou de témoignages que Robert X. aurait pu, seul (Cass. crim. 28 mai 1991, Bull. crim, n° 227 ; 15 févr. 2000, Bull. crim., n° 67, Dr. pénal 2000, comm. 90), administrer cette preuve. Le succès dans cette entreprise n’est d’ailleurs pas aisé en l’état actuel de la jurisprudence. Récemment, la Cour de cassation a en effet rejeté des attestations écrites fournies par la passagère du véhicule, siège de l’infraction (V. Cass. crim. 7 févr. 2001, Bull. crim., n° 39, Dr. pénal 2001, chron. 45, obs. Marsat ; 18 juin 2003, Dr. pénal 2005, comm. 154 et JCP 2004, I, 105, obs. A. Maron, RS crim. 2004, 428, obs. J. Buisson) et par un témoin (Cass. crim. 25 avr. 2001, Bull. crim., n° 100). Cette rigidité se comprend aisément tant il serait vain d’admettre cette preuve contraire en cas de simples doutes transparaissant au travers d’un écrit ou d’un témoignage.

REPUBLIQUE FRANCAISEAU NOM DU PEUPLE FRANCAISAU NOM DU PEUPLE FRANCAIS LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le douze octobre deux mille cinq, a rendu l'arrêt suivant : Sur le rapport de M. le conseiller PELLETIER et les conclusions de Mme l'avocat général COMMARET ; Statuant sur le pourvoi formé par : - L'OFFICIER DU MINISTERE PUBLIC PRES LA JURIDICTION DE PROXIMITE DE PARIS, contre le jugement n° 30838 de cette juridiction, en date du 23 février 2005, qui a, notamment, relaxé Robert X... du chef de stationnement gênant de véhicule sur un emplacement réservé aux livraisons ; Vu le mémoire produit ; Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation des articles R. 110-2 et R. 417-10 du Code de la route ; Vu lesdits articles, ensemble l'article 537 du Code de procédure pénale ; Attendu que, selon l'article 537 précité, les procès-verbaux constatant, notamment, une infraction à la réglementation sur le stationnement gênant des véhicules font foi jusqu'à preuve contraire ; Attendu qu'il résulte du jugement attaqué et des pièces de procédure que Robert X... est poursuivi pour la contravention de stationnement gênant de son véhicule sur un emplacement réservé aux livraisons, fait prévu et réprimé par l'article R. 417- 10 du Code de la route ; Attendu que, pour relaxer le prévenu, le jugement relève que le procès-verbal ne porte pas la mention "sans manutention" ; Mais attendu qu'en statuant ainsi, alors que la mention susvisée n'est pas exigée pour la régularité du procès-verbal et qu'au surplus, le prévenu n'a pas soutenu avoir stationné son véhicule pour des opérations de chargement ou de déchargement, la juridiction de proximité a méconnu les textes susvisés ; D'où il suit que la cassation est encourue ; Par ces motifs, CASSE et ANNULE, en ses seules dispositions ayant relaxé Robert X... du chef de stationnement gênant de véhicule sur un emplacement réservé aux livraisons, le jugement n° 30838 de la juridiction de proximité de Paris, du 23 février 2005, et, pour être statué à nouveau conformément à la loi dans les limites de la cassation ainsi prononcée, RENVOIE la cause et les parties devant la juridiction de proximité de Paris autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil.

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