mercredi 11 janvier 2012

Radars aux feux rouges : les P-V entachés de nullité !

Le Point.fr - Publié le 11/01/2012 à 10:53 - Modifié le 11/01/2012 à 11:02

EXCLUSIF. Le contrôle automatisé des infractions routières soulève régulièrement des questions juridiques.


Par Stéphanie Fontaine


"Suspendre le déploiement des radars aux feux rouges dans l'attente d'une évaluation du dispositif et en équipant ceux qui sont déjà en service d'un décompte de temps"... Ce n'est bien sûr pas Claude Guéant qui le préconise, mais la Mission d'information parlementaire relative à la prévention routière, dont le rapport publié en octobre aurait inspiré les dernières mesures gouvernementales sur la question : interdiction des avertisseurs de radars, sanctions plus lourdes pour réprimer le portable au volant... annoncées la semaine dernière.

De fait, les nouvelles dispositions étaient dans les tuyaux depuis longtemps, et, sans surprise, la proposition n° 35 des députés recommandant d'"évaluer les radars feux rouges" n'a pas été retenue par le ministre de l'Intérieur. Pourtant, comme régulièrement dans le cadre du contrôle sanction automatisé (CSA) des infractions routières, ces dispositifs - ils devraient être plus de 700 à crépiter fin 2012 - suscitent bien des questions sur leur fiabilité, et ainsi sur la validité des P-V dressés à la suite de leur constatation.

La réglementation encadrant la construction et l'utilisation de ces machines, même si elle reste bien souvent ignorée par les acteurs de ce secteur, est assez pointilleuse, si bien que le traitement juridique des infractions routières, considéré jusque-là comme simple, se complexifie progressivement. Et la Cour de cassation, la plus haute juridiction de l'ordre judiciaire français, se voit régulièrement sollicitée pour faire jurisprudence.

Apporter les preuves

Dans un arrêt sans cesse évoqué devant les tribunaux, elle considère par exemple que "le bon fonctionnement du cinémomètre" (radar de vitesse, NDLR) est notamment "suffisamment établi par son homologation et sa vérification annuelle". Par analogie, on pourrait facilement en déduire qu'il en va de même pour les radars aux feux rouges, qui sans être des cinémomètres doivent bien, eux aussi, être homologués et contrôlés une fois par an (*), selon l'arrêté du 15 juillet 2004 les concernant...

Mais cela n'a pas du tout effleuré l'esprit des autorités qui ont fait abstraction de ces divers éléments dans la rédaction automatisée de leurs procès-verbaux ! Le déploiement des radars feux rouges a pourtant bien commencé après cet arrêt de la Cour de cassation d'avril 2009... Ces défauts n'ont en revanche pas échappé à Caroline Tichit, avocate spécialiste du droit routier, qui vient d'obtenir sa première relaxe devant une juridiction de proximité, après avoir plaidé la nullité du P-V, car n'y figurait "aucune mention relative à la dernière vérification de l'équipement". Potentiellement, ce sont donc tous les P-V dressés après un flash feu rouge qui sont entachés de nullité pour cette raison ! Or, plus de 750 000 clichés avaient été pris par ce type d'appareil en 2010, donnant lieu à l'envoi de quelque 287 400 contraventions. Et en 2011, c'est le double qui pourrait être attendu.




En outre, le nombre de témoignages de conducteurs faisant état d'une défaillance du fonctionnement, non pas du radar, mais du feu tricolore ne cesse de grossir. Les forums sur le Net en sont remplis. Selon eux, c'est sûr, le feu est passé trop vite de l'orange au rouge, voire du vert à l'orange ! C'est pourquoi ils se sont fait "piéger"... Encore faut-il apporter les preuves de telles déclarations, notamment par constat d'huissier. Mais il est vrai que la durée des différentes couleurs du feu est bien réglementée : le vert doit ainsi durer au moins six secondes, l'orange trois secondes en agglomération...

Possibilité de contester les infractions

Enfin, il est à rappeler que les propriétaires des véhicules flashés - par les radars feux rouges comme par les radars vitesse - peuvent toujours contester être les auteurs de ces infractions, sans être obligés de désigner les personnes qui leur semblent être les véritables responsables. Certes, sans autre preuve de leur innocence, ils restent alors lourdement sanctionnés par les juges qui les déclarent redevables d'une amende importante (de l'ordre de 200 euros le plus souvent), mais ils échappent au retrait de point(s), car sans autre preuve de leur culpabilité en tant que conducteurs des véhicules flashés, les tribunaux n'ont d'autre choix que de les relaxer sur le plan pénal. Or, quatre points sont en jeu dès qu'un feu est brûlé !

Pour les véhicules de société, c'est encore plus simple. Car il est courant que l'administration ne réussisse pas à rattacher automatiquement - tout est automatique en effet dans le cadre du CSA ! - un permis de conduire au représentant légal de la société qui fait office de titulaire du certificat d'immatriculation... Après le paiement de l'amende minorée (90 euros pour les feux rouges, 45 euros pour les excès de vitesse inférieurs à 20 km/h), même si la responsabilité pénale est alors bien établie, aucun point n'est retiré.

Sur les 10 millions de contraventions envoyées annuellement par La Poste, à la suite de flashs des machines, seule la moitié entraîne ainsi un retrait de points, selon les ordres de grandeur donnés par Jean-Jacques Debacq, le préfet directeur de l'Agence nationale de traitement automatisé des infractions (Antai), fin 2011. Qu'on se le dise les radars automatisés, quels qu'ils soient, ne permettent pas d'identifier les conducteurs, et près de la moitié des contrevenants restent impunis. Bravo, l'équité - tant mise en avant par le pouvoir - du système!

(*) au moins en ce qui concerne les trois premières années de leur fonctionnement.


http://www.lepoint.fr/societe/radars-aux-feux-rouges-les-p-v-entaches-de-nullite-11-01-2012-1417663_23.php

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