lundi 31 mai 2010

La discutable "privatisation" du contrôle des radars routiers

Par Stéphanie Fontaine

La discutable

© Zabulon Laurent / Abaca
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Depuis le début de l'année, les radars de vitesse ne sont plus vérifiés par les agents de l'État, mais par des privés. Une situation passée totalement inaperçue et qui n'est pas sans soulever quelques interrogations. Explications.

Depuis la mise en place des radars automatiques, en 2003, c'est le groupe Sagem qui fournit la quasi-totalité des 2.600 radars automatiques en France. La société est également chargée de gérer leur maintenance. Ainsi, jusqu'en décembre 2009, conformément à la réglementation, Sagem devait faire appel à des fonctionnaires pour les vérifier, un dispositif censé assurer l'indépendance du contrôle.

Mais en décembre 2009, le ministère de l'Industrie a modifié le processus de contrôle en dressant une liste de cinq organismes jugés aptes à étalonner les radars . Il ne restait plus qu'à choisir, au sein de cette liste, la société en charge de contrôler les radars automatiques, qui constituent près de 90 % des P.-V. de vitesse.

C'est la société SGS Qualitest Industrie qui a remporté l'affaire, fin janvier. Une décision restée totalement confidentielle. Mais, ce que lepoint.fr a surtout découvert, c'est que ni le ministère de l'Intérieur ni la Direction du projet interministériel du contrôle automatisé (DPICA), considérée pourtant comme l'utilisatrice des machines, ne sont intervenus à la passation du contrat. Non, c'est Sagem elle-même ! En clair, Sagem vend à l'État ses radars automatiques et choisit l'entreprise chargée de contrôler ses appareils...

Désormais, Sagem traite donc de privé à privé, mais certainement pas d'égal à égal. Son prestataire SGS Qualitest Industrie courra-t-il le risque de se montrer trop tatillon lors de la vérification des radars, alors que les contrats sont renouvelables tous les ans ?

Une pratique éloignée des textes en vigueur

Surtout, laisser Sagem sous-traiter directement les "contrôles en service" (la vérification annuelle, ndlr) de ses appareils semble assez éloigné des textes en vigueur. En effet, aux termes du décret du 3 mai 2001, relatif au contrôle des instruments de mesure, il apparaît que les organismes désignés pour la vérification des radars - SGS Qualitest Industrie, donc - doivent non seulement "présenter toute garantie d'intégrité et d'impartialité", mais aussi "être indépendants de toute personne ayant un intérêt direct ou indirect dans les instruments de mesure". Le lien de subordination de SGS Qualitest Industrie vis-à-vis de Sagem semble indiquer que cette condition n'est pas respectée.

Il en est de même avec l'arrêté du 31 décembre 2001, qui dispose que "l'organisme (en l'espèce SGS Qualitest Industrie), son responsable et son personnel (...) doivent être à l'abri de toute pression et de tout risque de corruption, notamment financière, susceptibles d'influencer leur jugement ou les résultats de leurs travaux (...), notamment de la part de personnes ou de groupes de personnes intéressées par ces résultats".

De quoi donner matière à contester les 8 millions d'excès de vitesse relevés annuellement par le contrôle automatisé ? "Sans aucun doute", considère Caroline Tichit, avocate spécialiste du droit routier.

Du côté de la Direction de la sécurité et de la circulation routière (DSCR), qui commande les appareils à Sagem, on ne s'en alarme pas. "Nous avons passé un marché avec Sagem pour le déploiement des radars (automatiques) et elle, à son tour, a fait un appel d'offres pour choisir un organisme vérificateur... Ça ne pose aucun problème."

vendredi 14 mai 2010

Radar du quai de Bercy : le lampadaire de la discorde


Tel est pris qui croyait prendre… Une avocate est parvenue à faire annuler une contravention pour excès de vitesse quai de Bercy, en raison d’un vice de forme sur la position du radar fixe. Un simple lampadaire est en cause, précisé sur le procès-verbal pour situer l’infraction et qui avait en fait été retiré durant plus de trois ans.

Tous les automobilistes flashés quai de Bercy entre le 25 janvier 2007 et le 29 mars 2010 pouvaient se considérer… dans le respect de la loi. D’après les informations du Point, l’avocate Me Caroline Tichit a en effet détecté un vice de procédure difficilement contestable par la justice : sur les procès-verbaux adressés aux automobilistes, il était précisé que l’infraction avait été commise à hauteur du « lampadaire XII 13568 ». Or, entre le 25 janvier 2007 et le 29 mars 2010, ce lampadaire avait tout simplement été enlevé.

Le mois du remboursement est passé

Mais Me Tichit n’a fait annuler le PV de son client que le 15 avril dernier, et comme le délai de contestation autorisé sur une contravention n’est que de 45 jours, seuls les « chanceux » qui ont été pris entre le 1er et le 29 mars 2010 inclus ont pu – en se tenant très au courant de l’actualité judiciaire - bénéficier de ce vice de procédure. En effet, ledit lampadaire a été réimplanté sur la chaussée le 30 mars dernier.

Plutôt que de modifier l’énoncé du procès-verbal de ce radar quai de Bercy, les autorités ont donc décidé d’outrepasser les règles de sécurité, raison pour laquelle ce fameux lampadaire avait pourtant été retiré au préalable. A compter de ce vendredi 14 mai, le délai de 45 jours est donc dépassé. Reste à voir désormais si d’autres failles sont exploitables concernant les PV déjà contestés, mais que les contrevenants avaient tout de même dû payer (avec une majoration due à la contestation), déboutés par la justice.

Suite au prochain épisode ?

Normalement, le paiement vaut reconnaissance de l’infraction et interdit toute contestation ultérieure. Mais après tout, dans ce combat du flash et du vice de forme, rien n’interdit de penser à de nouveaux rebondissements. Surtout, cette nouvelle affaire prouve une fois de plus l’énorme enjeu financier des radars pour l’Etat. Curieux d’ailleurs que de telles failles ne soient pas verrouillées de plus près par les pouvoirs publics, alors que le quai de Bercy n’a en fait vu défiler que des automobilistes dans leur bon droit durant plus de trois ans. Toutes vitesses confondues, mais surtout toute morale mise à part, bien entendu.


http://www.autonews.fr/Dossiers/Votre-quotidien/radar-quai-bercy-paris-vice-forme-procedure-lampadaire-annulation-pv-contravention-flash-181236/